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Blog d'informations sur le noble art en France et dans le reste du monde .

23 Jan

La survie à coups de poing

Publié par Benoît Sainte Marie

Assa Sylla (Aya Sissoko). | Thierry Valletoux

Assa Sylla (Aya Sissoko). | Thierry Valletoux

Librement adapté du roman d’Aya Cissoko et Marie Desplechin, le téléfilm de Bourlem Guerdjou porte la rage et l’énergie des personnages qu’il met en scène (vendredi 23 janvier à 20 h 50 sur Arte).

Les images de bonheur qui ouvrent le téléfilm de Bourlem Guerdjou sont éphémères. Elles sont néanmoins essentielles pour appréhender l’étendue du drame qui va advenir et la bascule qui va s’opérer dans la vie de ses survivants. Paris, 1986, dans son petit appartement de Ménilmontant, la famille Cissoko vient de passer une soirée ordinaire. Après le dîner et le rituel des rires et des papouilles, Aya Cissoko, 8 ans, a fini par aller se coucher. Quelques minutes plus tard, un incendie se déclare dans lequel vont disparaître son père et sa sœur.

Commence pour la petite fille un long parcours au cours duquel elle va devoir se construire, avec la douleur qui ne trouve pas les mots, la rage qu’il faut retenir et l’envie de vivre malgré tout. Têtue, acharnée, le combat chevillé au corps, Aya choisira, très jeune et malgré la désapprobation de sa mère, de pratiquer la boxe. Sur le ring, elle pourra cogner, se blesser, saigner, inscrire en somme dans la chair la souffrance qu’on ne l’autorise pas à dire. Elle y trouvera le chemin vers la résilience et la victoire : elle est consacrée championne du monde amateur de boxe française, en 1999 et 2003, puis de boxe anglaise en 2006.

« Encaisser les coups sans rien dire »

L’histoire d’Aya Cissoko est vraie. Elle l’a racontée dans un livre Danbé (Calmann-Lévy), paru en 2011, qu’elle a coécrit avec Marie Desplechin parce qu’il n’était pas facile de libérer seule une parole longtemps empêchée. « Toute ma vie, j’avais appris à encaisser les coups sans rien dire, comme à la boxe où il ne faut jamais se découvrir sous peine de devenir une cible pour l’adversaire, explique-t-elle. Il fallait que je rompe avec cette règle. » Aujourd’hui, son récit autobiographique fait l’objet d’un téléfilm dans lequel elle a veillé à ce que soient respectées deux ou trois choses. Notamment que puisse apparaître à l’écran la beauté du geste dans la boxe et que les personnages parlent le bambara, la langue nationale du Mali, pays de ses parents et de ses racines à elle. « C’est ma vie, et je voulais que le film rende justice à ceux qui y ont joué un rôle considérable », souligne Aya Cissoko.

Si l’adaptation du livre à l’écran lui a paru, dès sa lecture, une évidence, elle a aussi suscité quelques inquiétudes chez le réalisateur (et coauteur avec Pierre Linhart du scénario), Bourlem Guerdjou : « Au départ, il y avait un récit de vie incroyable qui intimide, tellement il apparaît bigger than life [plus grand que la vie]. Comment éviter que la fiction n’altère l’authenticité de ce récit et sa pudeur constante ? Comment être à la hauteur des personnes (personnages) habitées par le fameux danbé, cette dignité qui fait garder la tête haute en pleine tempête ? » Et bien, comme le révèle son film : en soutenant une constante sobriété dans la réalisation, en privilégiant les plans rapprochés sur les visages et un montage serré qui limite la dispersion du récit.

Cette vigilance et ce souci de retenue portée sur la forme ont permis d’ajuster le propos et de le concentrer sur la relation complexe, à la fois âpre et aimante, qu’entretiennent les deux personnages centraux du film (Aya et sa mère). Enfin, tout cela n’aurait pas été possible dans des interprètes irréprochables. Or Tatiana Rojo (Massiré, la mère), Annabelle Lengronne (Aya, 28 ans), Assa Sylla (Aya, 16 ans), Médina Diarra (Aya, 8 ans) le sont. Au point de continuer à nous poursuivre longtemps après la fin du film.

Danbé, la tête haute, de Bourlem Guerdjou. Avec Tatiana Rojo, Annabelle Lengronne, Bruno Lochet, Assa Sylla, Médina Diarra, Moussa Sylla. Vendredi 23 janvier à 20 h 50 sur Arte.


SOURCE: http://www.lemonde.fr/

Par Véronique Cauhapé

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